Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/559

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

cher Monsieur ! Il ne me dit rien de plus ; je sens que mon cœur se resserre ; nous allons nous coucher, & je pars le lendemain pour la province.

Arrivé dans cet agréable asyle où j’étois venu chercher le repos de si loin, je devois le trouver dans une maison solitaire, commode & riante dont le Maître, homme d’esprit & de mérite, n’épargnoit rien de ce qui pouvoit m’en faire aimer le séjour. Mais quel repos peut-on goûter dans la vie quand le cœur est agité ! Troublé de la plus cruelle incertitude, & ne sachant que penser d’un homme que je devois aimer, je cherchai à me délivrer de ce doute funeste en rendant ma confiance mon bienfaiteur. Car, pourquoi, par quel caprice inconcevable eût-il eu tant de zele à l’extérieur pour mon bien-être, avec des projets secrets contre mon honneur ? Dans les observations qui m’avoient inquiété, chaque fait en lui-même étoit peu de chose, il n’y avoit que leur concours d’étonnant, & peut-être instruit d’autres faits que j’ignorois, M. Hume pouvoit-il dans un éclaircissement, me donner une solution satisfaisante. La seule chose inexplicable étoit qu’il se fût refusé à un éclaircissement que son honneur & son amitié pour moi rendoient également nécessaire. Je voyois qu’il y avoir-là quelque chose que je ne comprenois pas & que je mourois d’envie d’entendre. Avant donc de me décider absolument sur son compte, je voulus faire un dernier effort & lui écrire pour le ramener, s’il se laissoit séduire à mes ennemis, ou pour le faire expliquer de maniere ou d’autre. Je lui écrivis une Lettre *

[*Il paroît par ce qu’il m’écrit en dernier lieu qu’il est très-content de cette lettre, & qu’il la trouve fort bien.]