Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/56

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pas adopté ? Il ne voit pas qu’il n’y a rien d’impossible dans ce projet, sinon qu’il soit adopté par eux. Que feront-ils donc pour y opposer ? ce qu’ils ont toujours fait : ils le tourneront en ridicule.

Il ne faut pas non plus croire avec l’Abbé de St. Pierre que même avec la bonne volonté que les Princes ni leurs Ministres n’auront jamais, il fût aisé de trouver un moment favorable à l’exécution de ce systême. Car il faudroit pour cela que la somme des intérêts particuliers ne l’emportât pas sur l’intérêt commun, & que chacun crût voir dans le bien de tous le plus grand bien qu’il peut espérer pour lui-même. Or, ceci demande un concours de sagesse dans tant de têtes & un concours de rapports dans tant d’intérêts, qu’on ne doit gueres espérer du hasard l’accord fortuit de toutes les circonstances nécessaires ; cependant si cet accord n’a pu lieu, il n’y a que la force qui puisse y suppléer, & alors il n’est plus question de persuader mais de contraindre, & il ne faut pas écrire des livres, mais lever des troupes.

Ainsi, quoique le projet fût très sage, les moyens de l’exécuter se sentoient de la simplicité de l’Auteur. Il s’imaginoit bonnement qu’il ne falloit qu’assembler un congrès, y proposer ses articles, qu’on les alloit signer & que tout seroit fait. Convenons que dans tous les projets de cet honnête homme, il voyoit assez bien l’effet des choses quand elles seroient établies, mais il jugeoit comme un enfant des moyens de les établir.

Je ne voudrois, pour prouver que le projet de la République chrétienne n’est pu chimérique que nommer son premier