Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/563

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M. Hume, que je rapporterai ci-après. Que penser d’un écrit où l’on me faisoit un crime de mes miseres ; qui tendoit à m’ôter la commisération de tout le monde dans mes malheurs, & qu’on donnoit sous le nom du Prince même qui m’avoir protégé, pour en rendre l’effet plus cruel encore ? Que devois-je augurer de la suite d’un tel début ? Le peuple Anglois lit les papiers publics, & n’est déjà pas trop favorable aux étrangers. Un vêtement qui n’est pas le sien suffit pour le mettre de mauvaise humeur. Qu’en doit attendre un pauvre étranger dans ses promenades champêtres, le seul plaisir de la vie auquel il s’est borné, quand on aura persuadé à ces bonnes gens que cet homme aime qu’on le lapide ? ils seront sort tentés de lui en donner l’amusement. Mais ma douleur, ma douleur profonde & cruelle, la plus amere que j’aye jamais ressentie, ne venoit pas du péril auquel j’étois exposé. J’en avois trop bravé d’autres pour être fort ému de celui-là. La trahison d’un faux ami, dont j’étois la proie, étoit ce qui portoit dans mon cœur trop sensible l’accablement, la tristesse & la mort. Dans l’impétuosité d’un premier mouvement, dont jamais je ne fus le maître, & que mes adroits ennemis savent faire naître pour s’en prévaloir, j’écris des lettres pleines de désordre où je ne déguise ni mon trouble, ni mon indignation.

Monsieur, j’ai tant de choses à dire qu’en chemin faisant j’en oublie la moitié. Par exemple, une relation en forme de lettre sur mon séjour à Montmorency fut portée par des Libraires à M. Hume, qui me la montra. Je consentis qu’elle fût imprimée ; il se chargea d’y veiller ; elle n’a jamais paru. J’avois apporté un exemplaire des lettres de M. Du Peyrou contenant