Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/66

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Que feroit de mieux le plus juste Prince avec les meilleures intentions, si-tôt qu’il entre prend un travail que la nature a mis au-dessus de ses forces ? Il est homme & se charge des fonctions d’un Dieu, comment peut-il espérer de les remplir ? Le sage, s’il en peut être sur le trône, renonce à l’empire, ou le partage ; il consulte ses forces ; il mesure sur elles les fonctions qu’il veut remplir ; & pour être un Roi vraiment grand, il ne se charge point d’un grand Royaume. Mais ce que feroit le sage a peu de rapport à ce que feront les princes. Ce qu’ils feront toujours, cherchons au moins comment ils peuvent le faire le moins mal qu’il soit possible.

Avant que d’entrer en matière, il est bon d’observer que si par miracle quelque grande ame peut suffire à la pénible charge de la Royauté, l’ordre héréditaire établi dans les successions, & l’extravagante éducation des héritiers du Trône, fourniront toujours cent imbéciles pour un vrai Roi ; qu’il y aura des minorités, des maladies, des tems de délire & de passion qui ne laisseront souvent à la tête de l’Etat qu’un simulacre de Prince. Il faut cependant que les affaires se fassent. Chez tous les peuples qui ont un Roi, il est donc absolument nécessaire d’établir une forme de gouvernement qui se puisse passer du Roi ; & dès qu’il est posé qu’un Souverain peut rarement gouverner par lui-même, il ne s’agit plus que de savoir comment il peut gouverner par autrui ; c’est à résoudre cette question qu’est destiné le discours sur la Polysynodie.