Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/682

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est qu’ils ont rendu le public entier complice de leurs trames & de leur fausseté ; qu’avec un succès qui tient du prodige, on m’a ôté toute connoissance des complots dont je suis la victime, en m’en faisant seulement bien sentir l’effet, & que tous ont marqué le même empressement à me faire boire la coupe de l’ignominie, & à me cacher la bénigne main qui prit soin de la préparer. La colère & l’indignation m’ont jetté l’abord dans des transports qui m’ont fait faire beaucoup de sottises, sur lesquelles on avoit compté. Comme je trouvois injuste d’envelopper tout mon siecle dans le mépris qu’on doit à quiconque se cache d’un homme pour le diffamer, j’ai cherché quelqu’un qui eût assez de droiture & de justice pour m’éclairer sur ma situation, ou pour se refuser au moins aux intrigues des fourbes. J’ai porté par-tout ma lanterne inutilement, je n’ai point trouvé d’homme ni d’ame humaine. J’ai vu avec dédain la grossiere fausseté de ceux qui vouloient m’abuser par des caresses si mal-adroites & si peu dictes par la bienveillance & l’estime, qu’elles cachoient même & assez mal une secrete animosité. Je pardonne l’erreur, mais non la trahison. À peine dans ce délire universel, ai-je trouvé dans tout Paris quelqu’un qui ne s’avilît pas à cajoler fadement un homme qu’ils vouloient tromper, comme on cajole un oiseau niais qu’on veut prendre. S’ils m’eussent fui, s’ils m’eussent ouvertement maltraité, j’aurois pu, les plaignant & me plaignant, du moins les estimer encore. Ils n’ont pas voulu me laisser cette consolation. Cependant, il est parmi eux des personnes, d’ailleurs si dignes d’estime, qu’il paroît injuste de les mépriser. Comment expliquer ces contradictions ? J’ai fait mille efforts pour