Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/684

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habitans de la lune. Je n’ai pas la moindre idée de leur être moral. La seule chose que je sais, est qu’il n’a point de rapport au mien & que nous ne sommes pas de la même espece. J’ai donc renoncé avec eux à cette seule société qui pouvoit m’être douce & que j’ai si vainement cherchée, savoir à celle des cœurs. Je ne les cherche ni ne les fuis. À moins d’affaires je n’irai plus chez personne. Mes visites sont un honneur que je ne dois plus à qui que ce soit désormais, un pareil témoignage d’estime seroit trompeur de ma part, & je ne suis pas homme à imiter ceux dont je me détache. À l’égard des gens qui pleuvent chez moi, je ferme autant que je puis ma porte aux quidams & aux brutaux ; mais ceux dont au moins le nom m’est connu, & qui peuvent s’abstenir de m’insulter chez moi, je les reçois avec indifférence mais sans dédain. Comme je n’ai plus ni humeur ni dépit contre les pagodes au milieu desquelles je vis, je ne refuse pas même, quand l’occasion s’en présente, de m’amuser d’elles & avec elles autant que cela leur convient & à moi aussi. Je laisserai aller les choses comme elles s’arrangeront d’elles -mêmes, mais je n’irai pas au-delà ; & à moins que je ne retrouve enfin contre toute attente ce que j’ai cessé de chercher, je ne ferai de ma vie plus un seul pas sans nécessité pour rechercher qui que ce soit. J’ai du regret, Madame, à ne pouvoir faire exception pour vous ; car vous m’avez paru bien aimable. Mais cela n’empêche pas vous ne soyez de votre siecle, & qu’à ce titre je ne puisse vous excepter. Je sens bien ma perte. en cette occasion. Je sens même aussi la vôtre, du moins si, comme je dois le