Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/93

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&, pour me servir de ses propres termes, ne seroient que des Conseils de parade. Les favoris du Prince, qui le sont rarement du public, & qui, par conséquent, auroient peu d’influence dans les Conseils formés au scrutin, décideroient seuls toutes les affaires ; le Prince n’assisteroit jamais aux Conseils sans avoir déjà pris son parti surtout ce qu’on y devroit agiter, ou n’en sortiroit jamais sans consulter de nouveau dans son cabinet, avec ses favoris sur les résolutions qu’on y auroit prises ; enfin, il faudroit nécessairement que les Conseils devinssent méprisables, ridicules, & tout-à-fait inutiles, ou que les Rois perdissent de leur pouvoir : alternative à laquelle ceux-ci ne s’exposeront certainement pas, quand même il en devroit résulter le plus grand bien de l’État & le leur.

Voilà, ce me semble, à-peu-près les côtés par lesquels l’Abbé de St. Pierre eût dû considérer le fond de son systême pour en bien établir les principes ; mais il s’amuse, au lieu de cela, à résoudre cinquante mauvaises objections qui ne valoient pas la peine d’être examinées ; ou, qui pis est, à faire lui-même de mauvaises réponses quand les bonnes se présentent naturellement, comme s’il cherchoit à prendre plutôt le tour d’esprit de ses opposans pour les ramener à la raison, que le langage de la raison pour convaincre les sages.

Par exemple, après s’être objecté que dans la Polysynodie chacun des Conseillers a son plan général ; que cette diversité produit nécessairement des décisions qui se contredisent, & des embarras dans le mouvement total ; il répond à cela qu’il ne peut y a voir d’autre plan général que de chercher à perfectionner les règlemens qui roulent sur toutes les parties du