Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/129

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SENTIMENT DES CITOYENS. *

[* L’Auteur de cette piece avoit si bien imité le style de M. Vernes, que M. Rousseau parut croire qu’elle pouvoit être de lui. Ce ne fut qu’au bout de quelque tans qu’il apprit que son véritable auteur étoit M. de V…..]

Après les lettres de la campagne, sont venues celles de la montagne. Voici les sentimens de la ville.

On a pitié d’un fou ; mais quand la démence devient fureur, on le lie. La tolérance, qui est une vertu, seroit alors un vice.

Nous avons plaint J. J. Rousseau, ci-devant citoyen de notre ville, tant qu’il s’est borné, dans Paris, au malheureux métier d’un bouffon qui recevoit des nazardes à l’opéra, qu’on prostituoit marchant à quatre pattes sur le théâtre de la comédie. À la vérité, ces opprobres retomboient, en quelque façon, sur nous : il étoit triste, pour un Genevois arrivant à Paris, de se voir humilié par la honte d’un compatriote. Quelques-uns de nous l’avertirent, & ne le corrigerent pas. Nous avons pardonné à ses romans, dans lesquels & la pudeur sont aussi peu ménagées, que le bon sens. Notre ville n’étoit connue auparavant que par des mœurs pures, & par des ouvrages solides qui attiroient les étrangers à notre Académie : c’est pour la premiere fois qu’un de nos citoyens l’a fait connoître par des livres qui alarment les mœurs, que les honnêtes gens méprisent & que la piété condamne.