Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/158

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Ce n’est pas la seule indécence dont l’assemblée fut témoin : l’homme de Dieu tenta d’interrompre l’homme du Prince, pendant que celui-ci opinoit ; & voyant la tournure que prenoit la délibération, il osa proposer de la renvoyer à un autre jour, sous le prétexte frivole & inoui de l’absence d’un des anciens, sur le suffrage duquel il croyoit sans doute pouvoir compter. Ses efforts inutiles de ce côté, il les tourna d’un autre, & sans pudeur, prétendit deux voix en chapitre, lui qui par délicatesse auroit, dans ce cas particulier dû s’abstenir de voter, par cela même qu’il étoit censé partie dans cette affaire, comme représentant de la vénérable Classe, en vertu de la direction qu’il en avoit exhibée, & à laquelle il demandoit que l’on se conformât dans la délibération ; mais il vouloit l’emporter per fas & nefas.

À l’issue du consistoire, son mécontentement éclata contre ceux des anciens qui n’avoient pas opiné du bonnet avec lui. II leur reprocha avec aigreur de n’avoir pas écouté la voix de leur conducteur spirituel : il est plus sûr pour nous d’écouter celle de la conscience, lui répondirent-ils.

Ils avoient en effet eu le tans de faire leurs réflexions, & de comprendre par la conduite même de ce guide spirituel, combien on les avoit abusés, à quelles fausses démarche on vouloit les entraîner ; & craignant les suites qu’elles pouvoient avoir, quatre d’entr’eux adresserent au Conseil d’Etat, juge d’ordre, la requête que vous trouverez ci-après.

Mais arrêtons-nous un moment. Je vois d’ici votre surprise, & je vous entends, Monsieur, me répétant d’après Boileau :

Tant de fiel entre-t-il dans l’ame des dévots !