Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/165

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À Motiers le 9 Avril 1765.

"Permettez, Monsieur, qu’avant votre départ, je vous supplie de joindre à tant de soins obligeans pour moi, celui de faire agréer à Messieurs du Conseil d’Etat mon profond respect, & ma vive reconnoissance. Il m’est extrêmement consolant de jouir, sous l’agrément du Gouvernement de cet Etat, de la protection dont le Roi m’honore & des bontés de Mylord Maréchal ; de si précieux actes de bienveillance m’imposent de nouveaux devoirs que mon cœur remplira toujours avec zele, non-seulement en fidele sujet de l’Etat, mais en homme particuliérement obligé à l’illustre Corps qui le gouverne. Je me flatte qu’on a vu jusqu’ici dans ma conduite une simplicité sincere, & autant d’aversion pour la dispute que d’amour pour la paix. J’ose dire que jamais homme ne chercha moins à répandre ses opinions, & ne fut moins auteur dans la vie privée & sociale ; si dans la chaîne de mes disgraces, les sollicitations,*

[* Sollicitations venues de Geneve même, multipliées, & réitérées pendant plusieurs mois, & auxquelles il n’est pas étonnant que l’amitié, le devoir & l’honneur aient fait céder M. Rousseau. Ce qui est étonnant, c’est qu’on ait voulu voir dans ces Lettres écrites de la Montagne ce qui ne s’y trouve pas. Pour moi, j’avoue de bonne foi, au risque du Haro, que la conduite sage, réservée & patriotique*

[* Quoi qu’en dise l’Auteur des Dialogues entre un citoyen de Geneve & un Etranger, qui fait parler son citoyen comme un enfant : & son étranger comme un étranger.] tenue par la Bourgeoisie de Geneve, depuis la publication de cet ouvrage, m’a paru cadrer exactement avec les maximes & les conseils que respirent ces lettres. Je comprends pourtant qu’avec moins d’amour que moi pour la Liberté, & moins d’aversion pour le Despotisme, l’on peut ne pas approuver la publicité de cet ouvrage, & travailler à faire mériter à son Auteur le titre de Confesseur de la vérité la liberté.] le devoir, l’honneur même m’ont forcé de prendre la plume pour ma défense, & pour celle d’autrui,