Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/31

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y a, même pour le plaisir, de la fainéantise à une occupation honnête. Quand ce moyen ne réussiroit pas, je ne le maltraiterais point ; mais je lui retrancherois toute récréation pour ce jour là, en lui disant froidement que je ne prétends point le faire étudier par force : mais que le divertissement n’étant légitime que quand il est le délassement du travail, ceux qui ne sont rien n’en ont aucun besoin : de plus, vous auriez la bonté de convenir avec moi d’un signe par lequel sans apparence d’intelligence, je pourrois vous témoigner de même qu’à Madame sa mere quand je serois mécontent de lui. Alors la froideur & l’indifférence qu’il trouveroit de toutes parts, sans cependant lui faire le moindre reproche, le surprendrait d’autant plus qu’il ne s’appercevroit point que je me fusse plaint de lui & il se porteroit à croire que comme la récompense naturelle du devoir est l’amitié & les caresses de ses supérieurs, de même la fainéantise & l’oisiveté portent avec elles un certain caractere méprisable qui se fait d’abord sentir, & qui refroidit tout le monde à son égard.

J’ai connu un pere tendre qui ne s’en fioit pas tellement à un mercenaire sur l’instruction de ses enfans, qu’il ne voulût lui-même y avoir l’œil ; le bon pere, pour ne rien négliger de tout ce qui pouvoit donner de l’émulation à ses enfans, avoit adopté les mêmes moyens que j’expose ici. Quand il revoyoit ses enfans il jettoit avant que de les aborder un coup-d’œil sur leur gouverneur : lorsque celui-ci touchoit de la main droite le premier bouton de son habit, c’étoit une marque qu’il étoit content, & le pere caressoit son fils à son ordinaire ; si le gouverneur touchoit le second, alors c’étoit