Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/332

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plus de moi que d’une maniere équivoque ou malhonnête. Tout ce qui avoit trait à mes malheurs étoit déguisé, altéré présenté sous un faux jour, & toujours le moins à mon avantage qu’il étoit possible. Loin de parler de l’accueil quej’avois reçu à Paris, & qui n’avoit fait que trop de bruit, on ne supposoit pas même que j’eusse osé paroître dans cette ville, & un des amis de M. Hume fut très-surpris quand je lui dis quej’y avois passé."

"Trop accoutumé à l’inconstance du public pour m’en affecter, encore je ne laissois pas d’être étonné de ce changement si brusque, de ce concert si singuliérerment unanime, que pas un de ceux qui m’avoient tant loué absent, ne parut, moi présent, se souvenir de mon existence. Je trouvois bizarre que précisément après le retour de M. Hume qui a tant de crédit à Londres, tant d’influence sur les gens de Lettres & les Libraires, & de si grandes liaisons avec eux, sa présence eût produit un effet si contraire à celui qu’on en pouvoit attendre ; que, parmi tant d’écrivains de toute espece, pas un de ses amis ne se montrât le mien ; & l’on voyoit bien que ceux qui parloient de moi n’étoient pas ses ennemis, puisqu’en faisant sonner son caractere public, ils disoient que j’avois traversé la France sous sa protection, à la faveur d’un passe-port qu’il m’avoit obtenu de la Cour, & peu s’en falloit qu’ils ne fissent entendre que j’avois fait le voyage à sa suite & à ses frais."

"Ceci ne signifioit rien encore & n’étoit que singulier ; mais ce qui l’étoit davantage fut que le ton de ses amis ne changea pas moins avec moi que celui du public. Toujours,