Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/358

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le serai moins que vous, & je vous laisse pour toute vengeance, le tourment de respecter, malgré vous, l’infortunéque vous accablez."

"En achevant cette lettre, je suis surpris de la force que j’ai eue de l’écrire. Si l’on mouroit de douleur, j’en serois mort à chaque ligne. Tout est également incompréhensible dans ce qui se passe. Une conduite pareille à la vôtre n’est pas dans la nature, elle est contradictoire, & cependant elle m’est démontrée. Abyme des deux côtés ! je péris dans l’un ou dans l’autre. Je suis le plus malheureux des humainsi vous êtes coupable ; j’en suis le plus vil si vous êtes innocent.Vous me faites desirer d’être cet objet méprisable.Oui, l’état où je me verrois prosterné, foulé sous vos pieds, criant miséricorde & faisant tout pour l’obtenir, publiant à haute voix mon indignité & rendant à vos vertus le plus éclatant hommage, seroit pour mon cœur un état d’épanouissement & de joie, après l’état d’étouffement & de mort où vous l’avez mis. Il ne me reste qu’un mot à vous dire. Si vous êtes coupable né m’écrivez plus ; cela seront inutile, & surement vous ne me tromperez pas. Si vous êtes innocent, daignez vous justifier. Je connois mon devoir, je l’aime & l’aimerai toujours, quelque rude qu’il, puisse être. Il n’ya point d’abjection, dont un cœur, qui n’est pas né pour elle, ne puisse revenir. Encore un coup, si vous êtes innocent, daignez vous justifier : si vous ne l’êtes pas, adieu pour jamais.”

J. J. R.