Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/381

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Hume ne pouvoit se déguiser qu’il avoit donné lieu aux soupçons de Rousseau, par la complaisance pour ses anciens amis qui déchiroient sous ses yeux impitoyablement son nouvel ami, sans qu’il parût y prendre la moindre part ; M. Hume sentoit que sans y penser, & par bonté de cœur il auroit offensé & auroit avili Rousseau en lui procurant des secours clandestins, si ce dernier s’appercevant bientôt de ce petit manege, ne les eût rejettes avec indignation ; M. Hume avoit entre ses mains la lettre de Rousseau, qui, malgré sa violence, devoit attendrir l’ame la moins sensible, sur-tout en réfléchissant qu’on y avoit donné lieu quoiqu’innocemment : malgré tant de raisons qui devoient modérer son emportement, M. Hume écrit à Rousseau la lettre la plus dure, il la rend publique ainsi que lettres de J. J. Rousseau, il les fait précéder par un exorde trop préparé pour un homme qui n’a rien à se reprocher, & il accompagne de l’avis de ceux qu’il a consultés. Ces braves gens, ces têtes sages, solides & sensées, décident, les uns que Rousseau est ingrat & orgueilleux, les autres qu’il a la tête baissée, qu’il flotte entre la folie & la raison.

Rousseau ingrat ! Il est prouvé qu’il ne l’est pas. Rousseau a de l’orgueil, cela peut être. Mais un orgueil qui nous met au-dessus de la fortune, qui nous porte à vivre du fruit de nos travaux, qui nous préserve de toutes lâches complaisances, est orgueil bien estimable, & malheureusement trop rare parmi les gens de Lettres !

Rousseau a une tête baissée, il flotte entre la folie & la raison ! La belle & l’heureuse folie, que celle qui nous porte à sacrifier nos jours pour le bonheur du genre-humain, & à