Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/405

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On voit clairement dans cette lettre, que les expressions de reconnoissance sont mêlées d’inquiétude sur les sentimens de M. Hume. M. Rousseau fait entendre des soupçons qu’il n’ose développer.

Dans la seconde, les soupçons se taisent, l’amitié seule parle.

M. Hume argumente fréquemment de la première, il dit que d’après le ton de cordialité qui y regne, il ne devoir pas s’attendre d’être soupçonné par M. Rousseau d’avoir prêté la main à ses ennemis ; & que s’il a eu quelques soupçons, il les a tenus bien secrets.

L’on seroit tenté de croire que M. Hume n’avoit pas cette lettre sous les yeux. Il est impossible de se méprendre à plusieurs de ses phrases & sur-tout à sa finale.

“Je vous embrasse, mon cher Patron, avec le même cœur, que j’espere & desire trouver en vous.”

Cette phrase seule, qui dans une amitié naissante seroit un sentiment, ne peut-être estimée qu’un doute dans une amitié confirmée. Si cela est vrai, ce doute & tous les autres qui sont aussi sensibles, appelloient une explication. Pourquoi M. Hume l’a-t-il esquivée ? C’étoit la fuir que ne pas la demander.

Lui sied-il bien après cela de chercher à mettre cette lettre en opposition avec la conduite de M. Rousseau ? Rien n’est cependant si aisé à concilier. Celle de M. Hume lui avoir fait naître des soupçons, il chercha à s’en débarrasser par une effusion de cœur qui fut froidement répondue. Le lendemain il partit pour la campagne, ses soupçons importuns l’y suivirent : sa premiere lettre s’en ressentit. Rentrant bientôt dans son caractere franc & peu méfiant, il secoua toute idée injurieuse