Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/424

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“Abymes des deux côtés ! je péris dans l’un ou dans l’autre. Je suis le plus malheureux des humains si vous êtes coupable, j’en suis le plus vil si vous êtes innocent. Vous me faites desirer d’être cet objet méprisable. Oui, l’état où je me verrois prosterné, foulé sous vos pieds, criant miséricorde, & faisant tout pour l’obtenir, publiant à haute voix mon indignité, & rendant à vos vertus le plus éclatant hommage, seroit pour mon cœur un état d’épanouissement & de joie, après l’état d’étouffement & de mort où vous l’avez mis. Il ne me reste qu’un mot à vous dire. Si vous êtes coupable, ne m’écrivez plus ; cela seroit inutile, & surement vous ne me tromperez pas. Si vous êtes innocent, daignez vous justifier. Je connois mon devoir, je l’aime & l’aimerai toujours quelque rude qu’il puisse être. Il n’y a point d’abjection dont un cœur, qui n’est point né pour elle, ne puisse revenir.”

À tout cela point de réponse de la part de M. Hume.

En finissant la poursuite de ces lettres, je ne puis me refuser d’observer que toutes celles de M. Rousseau partent de son ame diversement affectée, & que celles de M. Hume sortent, pour ainsi dire, toutes armées de sa tête : dans celle du 19 juin*

[*Page 307.] il lui demande d’envoyer son consentement pour la pension de la maniere la plus froide. Je ne dis pas ceci pour M. Hume, mais rien n’est si glacé, si repoussant que les services de la plupart des courtisans. Rien n’est si empressé, si ardent que les offres qu’ils en savent faire.