Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/451

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me donnez de bienfaiteur, j’ai brûlé l’article de votre lettre qui me le prodiguoit à trop de reprises.

“Cessez pour toujours de le prononcer dans vos lettres. Ce seroit me défendre d’y répondre. Je compte bien que vous vous en servirez encore moins de vive voix, autrement je m’imaginerois que vous le seriez à dessein de me faire rougir. Un service rendu en mérite un autre. Celui que je vous demande, & dont vous ne pouvez vous dispenser, c’est de me considérer comme votre bon ami & rien de plus. Soyons libres avec décence, familiers sans affectation, polis sans contrainte, & jouissons sans nous oublier des privileges de l’égalité. E. E..”

Après une pareille déclaration, je demande s’il seroit possible à l’homme le moins vertueux de devenir ingrat ? Je n’en crois rien.

Le plus libre de tous les devoirs, quoique très-légitime, c’est celui de la reconnoissance : donnez-lui des chaînes, quelque douces que vous vouliez les forger, l’ingratitude s’avance & ne cherche qu’à les rompre.

Que l’Editeur de l’ouvrage que je réfute fasse ses efforts, pour montrer aux yeux du public J. J. Rousseau comme le plus ingrat & le plus méchant de tous les hommes. S’imagine-t-il d’en être cru sur sa parole ? Ses argumens tous brillans qu’ils paroissent ne persuaderont jamais que des esprits bornés & incapables de discernement, & toutes les couleurs qu’il emploie pour peindre M. Hume comme le plus généreux Mécene de son siecle, ne serviront de même qu’à faire paroître sa partialité, & non pas les sentimens d’un homme juste & raisonnable.