Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/480

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Je sais que je ne suis pas le seul qui ait prêché a-peu-près une semblable morale. Mrs. Stéele, Adisson & Lucas en ont bien dit davantage ; & ce qu’ils ont écrit sur le même sujet suffirois pour engager les hommes à ne faire du bien aux indigens, que par la seule idée qu’en le faisant avec un entier désintéressement, ils s’attirent non-seulement l’estime de tous les hommes vertueux, mais encore les bénédictions du Ciel. Ce qui vaut infiniment mieux que tous les témoignages de reconnoissance, dont on ne peut donner des preuves réelles, que quand la fortune nous met de niveau avec nos bienfaiteurs. Obliger un ami, obliger un compatriote, obliger un étranger, sont des emplois tout-à-fait différens.. Les circonstances seules fournissent à un bienfaiteur généreux, la maniere de se distinguer par la pratique de cette vertu toute divine. Mais dans, le nombre de la plupart de ceux qui se plaisent à faire des heureux, il en est peu qui le fassent avec la dignité & le désintéressement convenables à cette pieuse opération.

L’art de savoir accorder des graces ou des bienfaits est trop ignoré du vulgaire, il n’y a tout au plus que ceux qui ont reçu une éducation distinguée qui s’en acquittent avec autant de délicatesse que de promptitude, parce qu’on leur a appris.

Si benè quod facias, facias citò ; nam citò factum, Gratum erit, ingratum gratin tarda fecit.

Que M. Hume ainsi que tous ceux qui ont obligé J. J. Rousseau, s’examinent d’après le tableau que je viens de faire. J’en excepte le généreux Lord Maréchal & quelques ames aussi nobles que la sienne : mais que les autres se jugent eux mêmes,