Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/504

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d’un homme avec lequel on vient de faire le même trajet, qui, à propos de botte, vous serre, vous étouffe, pleure & sanglotte tout à la fois, s’imaginant par ces démonstrations sinceres ou non, témoigner la plus vive reconnoissance ? En, vérité mon cher Philosophe, Erasme vous auroit mieux caractérisé que je ne puis le faire.

Je soupçonne que M. Hume s’appercevoit bien que vous dégénériez à votre titre ; il n’osoit pas vous le dire, & c’est à cause de son silence que vous le soupçonnez dans la suite de vous trahir, & c’est de ce seul soupçon que vous tirez les indices qui précédent les démonstrations qui doivent, selon vous, faire, preuve contre lui. Hélas, que je vous plains ! poursuivons : vous avouez avoir été fêté & bien vu de tout le monde en arrivant à Londres, & quelques lignes plus bas, vous vous plaignez que toutes les marques d’estime que l’on vous avoit prodiguées se métamorphoserent subitement en froideurs & en indifférence même jusqu’au mépris. Je vais vous en expliquer clairement la raison : l’Angleterre, par quelques-uns de vos ouvrages, avoit conçu de vous & de vos talens une si haute idée qu’elle ne croyoit faire que ce qu’elle devoit à sa propre réputation en vous accueillant de la maniere la plus distinguée. Elle vouloit payer, en vous faisant du bien, ce qu’elle avoit oublié d’accorder à l’immortel Milton & à quelques autres Ecrivains célebres qu’elle avoit laissé mourir dans les bras de l’indigence ; enfin les nombreuses éditions de l’Héloïse & d’Emile vous avoient acquis en fait de morale, la même réputation que Pamela en fait de roman avoit acquis a Richardson, & peur-être quelques