Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/526

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que de vous imaginer que l’on ne vous conduisoit en Angle terre que pour vous y déshonorer, vous y trahir & vous y perdre. En étoit-ce une moins forte que de faire naître vos ridicules soupçons sur un mot échappé dans l’erreur d’un rêve ? Non, ces paroles, je tiens J. J. Rousseau, prononcées avec transport soit en veillant ou en dormant, n’indiquent pas plus une trahison, que si M. Hume eût dit, j’aime de tout mon cœur le philosophe Genevois. N’aviez-vous jamais réfléchi sur la nature & sur l’origine des rêves ? Que je vous plains & que je me plaindrois bien davantage, si j’étois assez malheureux que de vivre ou de voyager avec vos pareils !

Le plus beau rêve n’est que le plus grossier mensonge ; si vous n’en convenez pas, je croirai que vous êtes du nombre de ceux qui dorment sans jamais rêver, & qui rêvent sans celle en veillant. c’est le partage des sous, & la plus grande preuve de leur folie c’est d’ajouter foi aux rêves qu’ils sont.

Vous souvenez-vous de la réponse de Caton à celui qui vint le consulter en lui racontant qu’il appréhendoit l’événement de quelque malheur sinistre, parce qu’il avoit rêvé que les rats avoient mangé ses souliers. Tranquillisez -vous, lui répondit le philosophe Romain, rien n’est plus naturel que cela : que des rats rongent des souliers, la chose est possible ; mais vous auriez tout à craindre & tout à redouter si les souliers eussent mangé les rats. Je vais, en remontant à la premiere idée que j’avois conçue du point de vue de M. Hume, développer la suite de son rêve : quand il prononça je tiens J. J. Rousseau c’est comme s’il eût dit : j’ai heureusement pu attirer au Nord