Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/538

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Que J. J. Rousseau, de sens rassis, vous fasse le tableau de la conduite d’un esprit égaré, & qui seroit positivement la peinture de la sienne dans le fort de ses égaremens, il vous dira avec tout le sublime de la rhétorique, que cet homme a perdu la tête, qu’il faut le saigner, le baigner & lui faire prendre une porion d’ellébore ; mais suites ce compliment à ce Philosophe, il vous donnera bientôt des preuves qu’il ne sent ni ne connaît son mal. Ses transports & ses emportemens colériques en seront sur le champ la preuve. Pour se venger il demandera du papier ; & armé de plume & d’encre, Dieu sait comme il vous habillera : ne l’a-t-il pas lui-même avoué, quand il écrit à M. Hume que celui-ci n’ignoroit pas, que l’on sait fort bien qu’il ne faut que le mettre en colere pour lui faire faire bien des sottises. Qu’est-ce que des sottises qui proviennent des accès d’une violente colere ? ne sont-ce pas les preuves d’une conduite extravagante, ou de la plus haute folie ? Il y a quelqu’apparence que deux sortes de folies agissent alternativement sur l’ame & l’esprit de ce Genevois. Folie paisible & supportable, & folie frénétique. Je ne m’attacherai qu’à démontrer que la première domine sur l’autre, & que ce qu’on appelle orgueil, ingratitude & méchanceté, ne sont autres choses que les effets de la maladie dont il est visiblement attaqué.

La preuve que Rousseau n’est point orgueilleux, c’est qu’il ne se fait aucun scrupule de fréquenter indifféremment toutes sortes de personnes de quelques conditions qu’elles soient, pourvu qu’il les croye d’honnêtes -gens.

Si ce sont des esprits unis quoique bornés, il ne leur fait pas ressentir cette lotte supériorité que veulent avoir, en dépit de l’égalité humaine, quantité