Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/550

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un pareil soupçon qui, entre nous, n’eût pas des plus galans, n’auroit -il pas donné à penser qu’en effet il tramoit avec les ennemis de Rousseau un complot contre lui ? C’est en considération du profond silence qu’il observa alors, que je soupçonne cet Anglois, d’être un homme fort sensé, mais qui l’auroit été davantage, s’il n’eût pas informé le public qu’il ne se connaît pas bien en hommes, & moins encore en gens aliénés d’esprit. J. J. Rousseau prouvoit bien qu’il étoit de ce nombre ; en creusant jusqu’où cette prétendue trahison pouvoir s’étendre, la chose ne valoir seulement pas la peine de s’en inquiéter ; sa vie, sa liberté, ne couroient aucuns dangers. Son amour-propre seul s’y trouvoit offensé : on ridiculisoit un pauvre étranger, qui crie à la trahison, parce que les singularités lui avoient attiré quelques plaisanteries qui ne sont point des complots, ni des coups de poignards : dans semblables rencontres, on patiente, on dissimule, on se tait pendant quelque tems, on voit venir. Si le soupçon est fondé, on saisit adroitement la preuve la plus claire & la moins équivoque pour faire connoître à un homme capable de jouer les malheureux, que ses sentimens sont abominables, que son cœur se pourrit : ensuite on lui tourne le dos, on se console par le témoignage d’une bonne conscience, on l’oublie, on n’y pense plus.

Pouviez-vous ne pas remarquer que toutes les autres lamentations du philosophe Genevois ne rouloient que sur des vétilles dont une soubrette auroit eu honte. de s’occuper. Quoi ! se formaliser des froideurs ou des incivilités de gens avec lesquels on n’a mille liaison ; prendre leur peu de savoir-vivre pour des mépris ou pour des insultes outrageantes ; remplir