Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/97

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ne conviendrois pas tout-à-fait avec vous que Tournefort soit le plus grand botaniste du siècle ; il a la gloire d’avoir fait le premier de la botanique une étude vraiment méthodique ; mais cette étude encore après lui n’étoit qu’une étude d’apothicaire. Il étoit réservé à l’illustre Linnaeus d’en faire une science philosophique. Je sais avec quel mépris on affecte en France de traiter ce grand naturaliste, mais le reste de l’Europe l’en dédommage, & la postérité l’en vengera. Ce que je dis est assurément sans partialité, & par le seul amour de la vérité & de la justice ; car je ne connois ni M. Linnaeus, ni aucun de ses disciples, ni aucun de ses amis.

Je n’écris point à M. Laliaud, parce que je me suis interdit toute correspondance, hors les cas de nécessité ; mais je suis vivement touché & de son zele & de celui de l’estimable anonyme dont il m’a envoyé l’écrit,*

[*Précis pour M. J.J. Rousseau en réponse à l’exposé succinct de M. Hume.] & qui prenant si généreusement ma défense, sans me connoître, me rend ce zele pur avec lequel j’ai souvent combattu pour la justice & la vérité, ou pour ce qui m’a paru l’être, sans partialité, sans crainte, & contre mon propre intérêt. Cependant je desire sincérement, qu’on laisse hurler tout leur soul ce troupeau de loups enragés, sans leur répondre. Tout cela ne fait qu’entretenir les souvenirs du public, & mon repos dépend désormais d’en être entiérement oublié. Votre estime, Monsieur, & celle des hommes de mérite qui vous ressemblent, est assez pour moi. Pour plaire aux méchans, il faudroit leur ressembler ; je n’acheterai pas à ce prix leur bienveillance.