Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t15.djvu/310

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la foi de cet écrit, & cet écrit son tour sanctionne la pureté de ta vie. Ailleurs tu as parlé comme Auteur ; tes lumieres & ton génie t’ont inspiré : ici tu as écrit comme homme, & ta conscience a tout dicté. Toutes les critiques tombent ; tous les doutes cessent. Il faut te croire le plus coupable, le plus dépravé des mortels, ce qui n’est pas possible, ou te considérer comme un homme unique pour la vérité, pour la droiture, pour la sensibilité de l’ame ; ce qu’il est si facile & si doux de penser d’après toi, tes actions & tes ouvrages.

J’oublie dans ce moment les charmes ravissans de ton génie. C’est à cet acte sublime que je m’arrête ; c’est ton ame que je considere ; c’est l’énergie si rare, & tout à la fois si honnête de cette ame que j’admire. C’est dans ton adoration profonde pour l’Etre suprême ; c’est dans cette affection innée pour tous les hommes ; c’est dans ta conduite constante envers eux & avec toi-même, que je te trouve supérieur à l’humanité ; & quand je réunis par la pensée ce que l’Auteur a écrit avec ce que l’homme a senti, exécuté & pratiqué, c’est alors que rapprochant la gloire éclatante de l’Ecrivain, du mérite plus parfait encore de la personne, je m’explique, après avoir excusé quelques écarts dans lesquels les hautes lumieres ne servent que trop souvent à faire tomber, je m’explique, dis

je, sans nulle peine le prétendu paradoxe de ta vie & de tes écrits. C’est alors que tu obtiens de moi plus que l’hommage dû au génie, celui -du retour le plus tendre en mémoire de l’amour que tu as porté aux hommes, & que mon vœu le plus vis qui s’exauce chaque jour, est que ton nom soit placé parmi le petit nombre des noms précieux que l’estime des hommes se plaît à conserver.