Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/28

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& rapides efforts qu’il auroit fallu faire pour m’évertuer, je tâchois de flatter ma paresse & je m’en voilois la honte par des argumens dignes d’elle.

J’attendois ainsi tranquillement la fin de mon argent ; & je crois que je serois arrivé au dernier sou sans m’en émouvoir davantage, si le P. Castel, que j’allois voir quelquefois en allant au café, ne m’eût arraché de ma léthargie. Le P. Castel étoit fou, mais bon homme au demeurant : il étoit fâché de me voir consumer ainsi sans rien faire. Puisque les musiciens, me dit-il, puisque les savans ne chantent pas à votre unisson, changez de corde & voyez les femmes, vous réussirez peut-être mieux de ce côté-là. J’ai parlé de vous à Mde. de B[...]l ; allez la voir de ma part.

C’est une bonne femme, qui verra avec plaisir un pays de son fils & de son mari. Vous verrez chez elle Mde. de B

[roglie] sa fille, qui est une femme d’esprit. Mde. D[...]n en est une autre à qui j’ai aussi parlé de vous : portez-lui votre ouvrage ; elle a envie de vous voir & vous recevra bien. On ne foit rien dans Paris que par les femmes : ce sont comme des courbes dont les sages sont les asymptotes ; ils s’en approchent sans cesse, mais ils n’y touchent jamais.

Après avoir remis d’un jour à l’autre ces terribles corvées, je pris enfin courage & j’allai voir Mde. de B[...]l. Elle me reçut avec bonté. Mde. de B

[roglie] étant entrée dans sa chambre, elle lui dit : Ma fille, voilà M. Rousseau, dont le P. Castel nous a parlé. Mde. de B

[roglie] me fit compliment sur mon ouvrage & me menant à son clavecin, me fit voir qu’elle s’en étoit occupée.

Voyant à sa pendule qu’il étoit