Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/362

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simple au-dessus de la cuisine, que j’eus aussi. Il étoit d’une propreté charmante, l’ameublement en étoit blanc & bleu. C’est dans cette profonde & délicieuse solitude qu’au milieu des bois & des eaux, aux concerts des oiseaux de toute espèce, au parfum de la fleur d’orange, je composai dans une continuelle extase le cinquième livre de l’Émile, dont je dus en grande partie le coloris assez frais à la vive impression du local où je l’écrivois.

Avec quel empressement je courois tous les matins, au lever du soleil, respirer un air embaumé sur le péristyle ! Quel bon café au lait j’y prenois tête à tête avec ma Thérèse ! Ma chatte & mon chien nous faisoient compagnie. Ce seul cortège m’eût suffi pour toute ma vie, sans éprouver jamais un moment d’ennui. J’étois là dans le paradis terrestre ; j’y vivois avec autant d’innocence, & j’y goûtois le même bonheur.

Au voyage de juillet, M. & Mde. de Luxembourg me marquèrent tant d’attentions & me firent tant de caresses, que, logé chez eux & comblé de leurs bontés, je ne pus moins faire que d’y répondre en les voyant assidûment. Je ne les quittois presque point : j’allois le matin faire ma Cour à Mde. la maréchale ; j’y dînais ; j’allois l’après-midi me promener avec M. le maréchal, mais je n’y soupois pas, à cause du grand monde, & qu’on y soupoit trop tard pour moi. Jusqu’alors tout étoit convenable, & il n’y avoit point de mal encore, si j’avois sçu m’en tenir là. Mais je n’ai jamais sçu garder un milieu dans mes attachements, & remplir simplement des devoirs de société. J’ai toujours été