Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/44

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au roi & de celle au ministre fût en chiffres, quoique l’une & l’autre ne contînt absolument rien qui demandât cette précaution. Je lui représentai qu’entre le vendredi qu’arrivoient les dépêches de la Cour & le samedi que partoient les nôtres, il n’y avoit pas assez de tems pour l’employer à tant de chiffres & à la forte correspondance dont j’étois chargé pour le même courrier. Il trouva à cela un expédient admirable : ce fut de faire dès le jeudi la réponse aux dépêches qui devoient arriver le lendemain. Cette idée lui parut même si heureusement trouvée, quoi que je pusse lui dire sur l’impossibilité, sur l’absurdité de son exécution, qu’il en fallut passer par là ; & tout le tems que j’ai demeuré chez lui, après avoir tenu note de quelques mots qu’il me disoit dans la semaine à la volée & de quelques nouvelles triviales que j’allois écumant par-ci par-là, muni de ces uniques matériaux, je ne manquois jamais le jeudi matin de lui porter le brouillon des dépêches qui devoient partir le samedi, sauf quelques additions ou corrections que je faisois à la hâte sur celles qui devoient venir le vendredi & auxquelles les nôtres servoient de réponses. Il avoit un autre tic fort plaisant & qui donnoit à sa correspondance un ridicule difficile à imaginer : c’étoit de renvoyer chaque nouvelle à sa source, au lieu de lui faire suivre son cours. Il marquoit à M. Amelot les nouvelles de la Cour, à M. de Maurepas celles de Paris, à M. d’Havrincourt celles de Suède, à M. de la Chetardie celles de Pétersbourg & quelquefois à chacun celles qui venoient de lui-même & que j’habillois en termes un peu différens. Comme de