Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/108

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sa caleche à ma cousine ; vous vous rendrez chez elle à dix heures ; elle vous amenera ; vous passerez la journée avec nous, & nous nous en retournerons tous ensemble le lendemain après le dîne.

J’en étois ici de ma lettre quand j’ai réfléchi que je n’avois pas pour vous la remettre les mêmes commodités qu’à la ville. j’avois d’abord pensé de vous renvoyer un de vos livres par Guston, le fils du jardinier, & de mettre à ce livre une couverture de papier, dans laquelle j’aurois inséré ma lettre. Mais, outre qu’il n’est pas sûr que vous vous avisassiez de la chercher, ce seroit une imprudence impardonnable d’exposer à des pareils hasards le destin de notre vie. Je vais donc me contenter de vous marquer simplement par un billet le rendez-vous de lundi, & je garderai la lettre pour vous la donner à vous-même. Aussi bien J’aurois un peu de souci qu’il n’y eût trop de commentaires sur le mystere du bosquet.

LETTRE XIV. À JULIE.

Qu’as-tu foit, ah ! qu’as-tu foit, ma Julie ? tu voulois me récompenser & tu m’as perdu. Je suis ivre, ou plutôt insensé. Mes sens sont altérés, toutes mes facultés sont troublées par ce baiser mortel. Tu voulois soulager mes maux ! Cruelle ! tu les aigris. C’est du poison que j’ai cueilli sur tes levres ; il fermente, il embrase mon sang, il me tue, & ta pitié me fait mourir.