Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/119

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si c’étoit là votre idée, je me plaindrois de trop peu souffrir. Ah ! non, pour nourrir dans mon cœur une si douce attente, inventez, s’il se peut, des maux mieux proportionnés à leur prix.




LETTRE XX.


DE JULIE.

Je reçois à la fois vos deux lettres, & je vois par l’inquiétude que vous marquez dans la seconde sur le sort de l’autre, que quand l’imagination prend les devans, la raison ne se hâte pas comme elle, & souvent la laisse aller seule. Pensâtes-vous en arrivant à Sion qu’un Courrier tout prêt n’attendoit pour partir que votre lettre, que cette lettre me seroit remise en arrivant ici, & que les occasions ne favoriseroient pas moins ma réponse ? Il n’en va pas ainsi, mon bel ami. Vos deux lettres me sont parvenues à la fois, parce que le Courrier, qui ne passe qu’une fois la semaine [1],n’est parti qu’avec la seconde. Il faut un certain tems pour distribuer les lettres ; il en faut à mon commissionnoire pour me rendre la mienne en secret, & le Courrier ne retourne pas d’ici le lendemain du jour qu’il est arrivé. Ainsi, tout bien calculé, il nous faut huit jours, quand celui du Courrier est bien choisi, pour recevoir réponse l’un de l’autre ; ce que je vous explique, afin de calmer une fois pour toutes votre impatiente vivacité. Tandis que vous déclamez contre

  1. Il passe à présent deux fois.