Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/293

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
LETTRES
DE
DEUX AMANS,
HABITANS D’UNE PETITE VILLE
AU PIED DES ALPES.



SECONDE PARTIE.

LETTRE I.
À JULIE. [1]


J’ai pris & quitté cent fois la plume ; j’hésite dès le premier mot ; je ne sais quel ton je dois prendre ; je ne sais par où commencer ; & c’est à Julie que je veux écrire ! Ah malheureux ! que suis-je devenu ? Il n’est donc plus ce tems où mille sentimens délicieux couloient de ma plume comme un intarissable torrent ! Ces doux momens de confiance & d’épanchement sont passés : Nous ne sommes plus l’un à l’autre, nous ne sommes plus les mêmes & je ne sais plus à qui j’écris. Daignerez-vous recevoir mes lettres ? vos yeux daigneront-ils les parcourir ? les trouverez-vous assez réservées,

  1. Je n’ai gueres besoin, je crois, d’avertir que dans cette seconde partie & dans la suivante, les deux amans séparés ne sont que déraisonner, battre la campagne ; leurs pauvres têtes n’y sont plus.