Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/400

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je ne fais que répéter ce que je leur dis tous les jours à eux-mêmes. Ils ne m’en savent point mauvais gré ; ils conviennent de beaucoup de choses. Ils se plaignoient de notre Muralt, je le crois bien : on voit, on sent combien il les hait, jusque dans les éloges qu’il leur donne ; & je suis bien trompé si, même dans ma critique, on n’aperçoit le contraire. L’estime & la reconnoissance que m’inspirent leurs bontés ne font qu’augmenter ma franchise : elle peut n’être pas inutile à quelques-uns ; & à la maniere dont tous supportent la vérité dans ma bouche, j’ose croire que nous sommes dignes, eux de l’entendre & moi de la dire. C’est en cela, ma Julie, que la vérité qui bl ame est plus honorable que la vérité qui loue ; car la louange ne sert qu’à corrompre ceux qui la goûtent & les plus indignes en sont toujours les plus affamés ; mais la censure est utile & le mérite seul sait la supporter. Je te le dis du fond de mon cœur, j’honore le François comme le seul peuple qui aime véritablement les hommes & qui soit bienfaisant par caractere ; mais c’est pour cela même que je suis moins disposé à lui accorder cette admiration générale à laquelle il prétend même pour les défauts qu’il avoue. Si les François n’avoient point de vertus, je n’en dirois rien ; s’ils n’avoient point de vices, ils ne seroient pas hommes ; ils ont trop de côtés louables pour être toujours loués.

Quant aux tentatives dont tu me parles, elles me sont impraticables, parce qu’il faudroit employer, pour les faire, des moyens qui ne me conviennent pas & que tu m’as interdits toi-même. L’austérité républicaine n’est pas de mise en ce pays ; il y faut des vertus plus flexibles, & qui sachent mieux se plier