Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/443

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bien ! ces fleurs sont de trop. Te souviens-tu de ce bal où tu portais ton habit à la Valaisane & où ta cousine dit que je dansois en philosophe ? Tu n’avois pour toute coiffure qu’une longue tresse de tes cheveux roulée autour de ta tête & rattachée avec une aiguille d’or, à La maniere des villageoises de Berne. Non, le soleil orné de tousses rayons n’a pas l’éclat dont tu frappois les yeux & les cœurs & sûrement quiconque te vit ce jour-là ne t’oubliera de sa vie. C’est ainsi, ma Julie, que tu dois être coiffée ; c’est l’or de tes cheveux qui doit parer ton visage & non cette rose qui les cache & que ton teint flétrit. Dis à la cousine, car je reconnoisses soins & son choix, que ces fleurs dont elle a couvert & profané ta chevelure ne sont pas de meilleur goût que celles qu’elle recueille dans l’Adone & qu’on peut leur passer de suppléer à la beauté, mais non de la cacher.

À l’égard du buste, il est singulier qu’un amant soit là-dessus plus sévere qu’un pere ; mais en effet je ne t’y trouve pas vêtue avec assez de soin. Le portrait de Julie doit être modeste comme elle. Amour ! ces secrets n’appartiennent qu’à toi. Tu dis que le peintre a tout tiré de son imagination. Je le crois, je le crois ! Ah ! s’il eût apperçu le moindre de ces charmes voilés, ses yeux l’eussent dévoré, mais sa main n’eût point tenté de les peindre ; pourquoi faut-il que son art téméraire ait tenté de les imaginer ? Ce n’est pas seulement un défaut de bienséance, je soutiens que c’est encore un défaut de goût. Oui, ton visage est trop chaste pour supporter le désordre de ton sein ; on voit que l’un de