Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/507

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je ne veux désoler aucun de ceux que j’aime. Qu’un pere esclave de sa parole, & jaloux d’un vain titre dispose de ma main qu’il a promise ; que l’amour seul dispose de mon cœur ; que mes pleurs ne cessent de couler dans le sein d’une tendre amie. Que je sois vile, & malheureuse ; mais que tout ce qui m’est cher soit heureux, & content s’il est possible. Formez tous trois ma seule existence, & que votre bonheur me fasse oublier ma misere, & mon désespoir.

LETTRE XVI. REPONSE.

Nous renaissons, ma Julie ; tous les vrais sentimens de nos âmes reprennent leurs cours. La nature nous a conservé l’être, & l’amour nous rend à la vie. En doutois-tu ? L’osas-tu croire, de pouvoir m’ôter ton cœur ? Va, je le connois mieux que toi, ce cœur que le Ciel a fait pour le mien. Je les sens joins par une existence commune qu’ils ne peuvent perdre qu’à la mort. Dépend-il de nous de les séparer, ni même de le vouloir ? Tiennent-ils l’un à l’autre par des nœuds que les hommes aient formés, & qu’ils puissent rompre ? Non, non, Julie ; si le sort cruel nous refuse le doux nom d’époux, rien ne peut nous ôter celui d’amans fideles ; il sera consolation de nos tristes jours, & nous l’emporterons au tombeau.

Ainsi nous recommençons de vivre pour recommencer de