Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/558

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trouve bien supérieur à tous nous autres gens à sentiment, qui nous admirons tant nous-mêmes ; car le cœur nous trompe en mille manieres, & n’agit que par un principe toujours suspect ; mais la raison n’a d’autre fin que ce qui est bien ; ses regles sont sûres, claires, faciles dans la conduite de la vie ; & jamais elle ne s’égare que dans d’inutiles spéculations qui ne sont pas faites pour elle.

Le plus grand goût de M. de Wolmar est d’observer. Il aime à juger des caracteres des hommes, & des actions qu’il voit faire. Il en juge avec une profonde sagesse, & la plus parfaite impartialité. Si un ennemi lui faisoit du mal, il en discuteroit les motifs, & les moyens aussi paisiblement que s’il s’agissoit d’une chose indifférente. Je ne sais comment il a entendu parler de vous ; mais il m’en a parlé plusieurs fois lui-même avec beaucoup d’estime, & je le connois incapable de déguisement. J’ai cru remarquer quelquefois qu’il m’observoit durant ces entretiens ; mais il y a grande apparence que cette prétendue remarque n’est que le secret reproche d’une conscience alarmée. Quoi qu’Il en soit, j’ai fait en cela mon devoir ; la crainte ni la honte ne m’ont point inspiré de réserve injuste, & je vous ai rendu justice auprès de lui, comme je la lui rends auprès de vous.

J’oubliois de vous parler de nos revenus, & de leur administration. Le débris des biens de M. de Wolmar, joint à celui de mon pere, qui ne s’est réservé qu’une pension, lui fait une fortune honnête, & modérée, dont il use noblement, & sagement, en maintenant chez lui non l’incommode, & vain appareil du luxe, mais l’abondance, les véritables commodités