Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/592

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LETTRE XXIII. DE MILORD EDOUARD À L’AMANT DE JULIE.

Je ne pourrai, mon cher, vous embrasser aujourd’hui comme je l’avois espéré, & l’on me retient encore pour deux jours à Kinsington. Le train de la cour est qu’on y travaille beaucoup sans rien faire, & que toutes les affaires s’y succedent sans s’achever. Celle qui m’arrête ci depuis huit jours ne demandoit pas deux heures ; mais comme la plus importante affaire des ministres est d’avoir toujours l’air affairé, ils perdent plus de tems à me remettre qu’ils n’en auroient mis à m’expédier. Mon impatience, un peu trop visible, n’abrege pas ces délais. Vous savez que la cour ne me convient guere ; elle m’est encore plus insupportable depuis que nous vivons ensemble, & j’aime cent fois mieux partager votre mélancolie quel’ennui des valets qui peuplent ce pays.

Cependant, en causant avec ces empressés fainéans il m’est venu une idée qui vous regarde, & sur laquelle je n’attends que votre aveu pour disposer de vous. Je vois qu’en combattant vos peines vous souffrez à la fois du mal, & de la résistance. Si vous voulez vivre, & guérir, c’est moins parce que l’honneur, & la raison l’exigent, que pour complaire à vos amis. Mon cher, ce n’est pas assez : il faut reprendre le goût de la vie pour en bien remplir les devoirs ; & avec