Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/66

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Si la commisération naturelle aux ames bien nées, peut vous attendrir sur les peines d’un infortuné auquel vous avez témoigné quelque estime, de légers changmens dans votre conduite rendront sa situation moins violente, & lui feront supporter plus paisiblement & son silence & ses maux : si sa retenue & son état ne vous touchent pas, & que vous vouliez user du droit de le perdre, vous le pouvez sans qu’il en murmure : il aime mieux encore périr par votre ordre que par un transport indiscret qui le rendît coupable à vos yeux. Enfin, quoi que vous ordonniez de mon sort, au moins n’aurai-je point à me reprocher d’avoir pu former un espoir téméraire, & si vous avez lu cette lettre, vous avez fait tout ce que j’oserois vous demander, quand même je n’aurois point de refus à craindre.




LETTRE II.

À Julie.


Que je me suis abusé, Mademoiselle, dans ma premiere lettre ! Au lieu de soulager mes maux, je n’ai fait que les augmenter en m’exposant à votre disgrace, & je sens que le pire de tous est de vous déplaire. Votre silence, votre air froid & réservé ne m’annoncent que trop mon malheur. Si vous avez exaucé ma priere en partie, ce n’est que pour mieux m’en punir,