Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/140

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& séparées ; la nature s’y présentoit sous mille aspects divers & le tout ensemble n’étoit point naturel. Ici l’on n’a transporté ni terres ni pierres, on n’a fait ni pompes ni réservoirs, on n’a besoin ni de serres, ni de fourneaux, ni de cloches, ni de paillassons. Un terrain presque uni a reçu des ornemens tres simples ; des herbes communes, des arbrisseaux communs, quelques filets d’eau coulant sans apprêt, sans contrainte, ont suffi pour l’embellir. C’est un jeu sans effort, dont la facilité donne au spectateur un nouveau plaisir. Je sens que ce séjour pourroit être encore plus agréable & me plaire infiniment moins. Tel est, par exemple, le parc célebre de Milord Cobham à Staw. C’est un composé de lieux tres beaux, & tres pittoresques dont les aspects ont été choisis en différens pays & dont tout paroit naturel, excepté l’assemblage, comme dans les jardins de la Chine dont je viens de vous parler. Le maître & le créateur de cette superbe solitude y a même fait construire des ruines, des temples, d’anciens édifices ; & les tems ainsi que les lieux y sont rassemblés avec une magnificence plus qu’humaine. Voilà précisément de quoi je me plains. Je voudrois que les amusemens des hommes eussent toujours un air facile qui ne fît point songer à leur foiblesse & qu’en admirant ces merveilles on n’eût point l’imagination fatiguée des sommes & des travaux qu’elles ont coûtés. Le sort ne nous donne-t-il pas assez de peines sans en mettre jusque dans nos jeux ?

Je n’ai qu’un seul reproche à faire à votre Elysée, ajoutai-je en regardant Julie, mais qui vous paraîtra grave ; c’est d’être un amusement superflu. À quoi bon vous faire une nouvelle