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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/409

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le verrez dans celles qui nous servent & en vous abaissant vous croirez vous justifier ; mais serez-vous moins coupable en effet & la différence des rangs change-t-elle ainsi la nature des fautes ? Au contraire vous vous avilirez d’autant plus que les moyens de réussir seront moins honnêtes. Quels moyens ! Quoi ! vous !… Ah ! périsse l’homme indigne qui marchande un cœur & rend l’amour mercenaire ! C’est lui qui couvre la terre des crimes que la débauche y fait commettre. Comment ne seroit pas toujours à vendre celle qui se laisse acheter une fois ? & dans l’opprobre où bientôt elle tombe, lequel est l’auteur de sa misere, du brutal qui la maltraite en un mauvais lieu, ou du séducteur qui l’y traîne en mettant le premier ses faveurs à prix ?

Oserai-je ajouter une considération qui vous touchera, si je ne me trompe ? Vous avez vu quels soins j’ai pris pour établir ici la regle & les bonnes mœurs ; la modestie & la paix y regnent, tout y respire le bonheur & l’innocence. Mon ami, songez à vous, à moi, à ce que nous fûmes, à ce que nous sommes, à ce que nous devons être. Faudra-t-il que je dise un jour, en regrettant mes peines perdues : C’est de lui que vient le désordre de ma maison ?

Disons tout, s’il est nécessaire & sacrifions la modestie elle-même au véritable amour de la vertu. L’homme n’est pas fait pour le célibat & il est bien difficile qu’un état si contraire à la nature n’amene pas quelque désordre public ou caché. Le moyen d’échapper toujours à l’ennemi qu’on porte sans cesse avec soi ? Voyons en d’autres pays ces téméraires