Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/136

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aujourd’hui, si vous pouvez différer jusqu’à demain sans danger.

Une autre considération qui confirme l’utilité de cette méthode, est celle du génie particulier de l’enfant, qu’il faut bien connaître pour savoir quel régime moral lui convient. Chaque esprit a sa forme propre, selon laquelle il a besoin d’être gouverné ; & il importe au succès des soins qu’on prend qu’il soit gouverné par cette forme & non par une autre. Homme prudent, épiez longtemps la nature, observez bien votre élève avant de lui dire le premier mot ; laissez d’abord le germe de son caractère en pleine liberté de se montrer, ne le contraignez en quoi que ce puisse être, afin de le mieux voir tout entier. Pensez-vous que ce temps de liberté soit perdu pour lui ? tout au contraire, il sera le mieux employé ; car c’est ainsi que vous apprendrez à ne pas perdre un seul moment dans un temps précieux : au lieu que, si vous commencez d’agir avant de savoir ce qu’il faut faire, vous agirez au hasard ; sujet à vous tromper, il faudra revenir sur vos pas ; vous serez plus éloigné du but que si vous eussiez été moins presse de l’atteindre. Ne faites donc pas comme l’avare qui perd beaucoup pour ne vouloir rien perdre. Sacrifiez dans le premier âge un temps que vous regagnerez avec usure dans un âge plus avancé. Le sage médecin ne donne pas étourdiment des ordonnances à la première vue, mais à étudie premièrement le tempérament du malade avant de lui rien prescrire ; il commence tard à le traiter, mais il le guérit, tandis que le médecin trop presse le tue.