Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour en imposer au Lecteur ; c’est pour lui parler comme je pense. Pourquoi proposerois-je par forme de doute ce dont, quant à moi, je ne doute point ? Je dis exactement ce qui se passe dans mon esprit.

En exposant avec liberté mon sentiment, j’entends si peu qu’il fasse autorité, que j’y joins toujours mes raisons, afin qu’on les pese & qu’on me juge : mais quoique je ne veuille point m’obstiner à défendre mes idées, je ne me crois pas moins obligé de les proposer ; car les maximes sur lesquelles je suis d’un avis contraire à celui des autres, ne sont point indifférentes. Ce sont de celles dont la vérité ou la fausseté importe à connoître, & qui font le bonheur ou le malheur du genre-humain.

Proposez ce qui est faisable, ne cesse-t-on de me répéter. C’est comme si l’on me disoit ; proposez de faire ce qu’on fait ; ou du moins, proposez quelque bien qui s’allie avec le mal existant. Un tel projet, sur certaines matieres, est beaucoup plus chimérique que les miens : car dans cet alliage le bien se gâte, & le mal ne se guérit pas. J’aimerois mieux suivre en tout la pratique établie que d’en prendre une bonne à demi : il y auroit moins de contradiction dans l’homme ; il ne peut tendre à la fois à deux buts