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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/146

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vre que le jardinier a fait le coup : on le fait venir.

Mais nous voici bien loin de compte. Le jardinier apprenant de quoi l’on se plaint, commence à se plaindre plus haut que nous. Quoi ! Messieurs ! c’est vous qui m’avez ainsi gâté mon ouvrage ! J’avois semé là des melons de Malte dont la graine m’avoit été donnée comme un trésor, & desquels j’espérois vous régaler quand ils seroient mûrs : mais voilà que pour y planter vos misérables fêves, vous m’avez détruit mes melons déjà tout levés, & que je ne remplacerai jamais. Vous m’avez fait un tort irréparable, & vous vous êtes privés vous-mêmes du plaisir de manger des melons exquis.

Jean-Jaques.

” Excusez-nous, mon pauvre Robert. Vous aviez mis là votre travail, votre peine. Je vois bien que nous avons eu tort de gâter votre ouvrage ; mais nous vous ferons venir d’autre graine de Malte, & nous ne travaillerons plus la terre avant de savoir si quelqu’un n’y a point mis la main avant nous.

Robert.

” Oh bien, Messieurs ! vous pouvez donc vous reposer ; car il n’y a plus gueres de terre en friche. Moi, je travaille celle que mon pere a bonifiée ; chacun en fait autant de son côté, & toutes les terres que vous voyez sont occupées depuis long-tems.