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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/153

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séveres exigent qu’ils les remplissent, c’est seulement dans ce que l’enfant devroit faire, quand même il ne l’auroit pas promis.

L’enfant ne sachant ce qu’il fait quand il s’engage, ne peut donc mentir en s’engageant. Il n’en est pas de même quand il manque à sa promesse, ce qui est encore une espece de mensonge rétroactif ; car il se souvient très-bien d’avoir fait cette promesse ; mais ce qu’il ne voit pas, c’est l’importance de la tenir. Hors d’état de lire dans l’avenir, il ne peut prévoir les conséquences des choses, & quand il viole ses engagemens, il ne fait rien contre la raison de son âge.

Il suit de-là que les mensonges des enfans sont tous l’ouvrage des maîtres, & que vouloir leur apprendre à dire la vérité, n’est autre chose que leur apprendre à mentir. Dans l’empressement qu’on a de les régler, de les gouverner, de les instruire, on ne se trouve jamais assez d’instrumens pour en venir à bout. On veut se donner de nouvelles prises dans leur esprit par des maximes sans fondement, par des préceptes sans raison, & l’on aime mieux qu’ils sachent leurs leçons et qu’ils mentent, que s’ils demeuroient ignorans & vrais.

Pour nous qui ne donnons à nos Éleves que des leçons de pratique, & qui aimons mieux qu’ils soient bons que savans, nous n’exigeons point d’eux la vérité, de peur qu’ils ne la déguisent, & nous ne leur faisons rien promettre qu’ils soient tentés de ne pas tenir. S’il s’est fait en mon absence quelque mal, dont j’ignore l’auteur, je me garderai d’accuser