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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/276

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l’exemple, & n’agit ni ne parle que comme il lui convient. Ainsi n’attendez pas de lui des discours dictés ni des manieres étudiées, mais toujours l’expression fidele de ses idées, & la conduite qui naît de ses penchans.

Vous lui trouvez un petit nombre de notions morales qui se rapportent à son état actuel, aucune sur l’état relatif des hommes : & de quoi lui serviroient-elles, puisqu’un enfant n’est pas encore un membre actif de la société ? Parlez-lui de liberté, de propriété, de convention même : il peut en savoir jusques-là ; il sait pourquoi ce qui est à lui est à lui, & pourquoi ce qui n’est pas à lui n’est pas à lui. Passé cela, il ne sait plus rien. Partez-lui de devoir, d’obéissance, il ne sait ce que vous voulez dire ; commandez-lui quelque chose, il ne vous entendra pas ; mais dites-lui ; si vous me faisiez tel plaisir, je vous le rendrois dans l’occasion : à l’instant il s’empressera de vous complaire ; car il ne demande pas mieux que d’étendre son domaine, & d’acquérir sur vous des droits qu’il sait être inviolables. Peut-être même n’est-il pas fâché de tenir une place, de faire nombre, d’être compté pour quelque chose ; mais s’il a ce dernier motif, le voilà déjà sorti de la nature, & vous n’avez pas bien bouché d’avance toutes les portes de la vanité.

De son côté, s’il a besoin de quelque assistance, il la demandera indifféremment au premier qu’il rencontre, il la

    régime n’est bon qu’aux ames foibles, & les affoiblit davantage de jour en jour. La seule habitude utile aux enfans est de s’asservir sans peine à la nécessité des choses, & la seule habitude utile aux hommes, est de s’asservir sans peine à la raison. Toute autre habitude est un vice.