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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/284

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À douze ou treize ans les forces de l’enfant se développent bien plus rapidement que ses besoins. Le plus violent, le plus terrible ne s’est pas encore fait sentir à lui ; l’organe même en reste dans l’imperfection, & semble pour en sortir attendre que sa volonté l’y force. Peu sensible aux injures de l’air & des saisons, il les brave sans peine ; sa chaleur naissante lui tient lieu d’habit, son appétit lui tient lieu d’assaisonnement ; tout ce qui peut nourrir est bon à son âge ; s’il a sommeil, il s’étend sur la terre & dort ; il se voit par-tout entouré de tout ce qui lui est nécessaire ; aucun besoin imaginaire ne le tourmente ; l’opinion ne peut rien sur lui ; ses desirs ne vont pas plus loin que ses bras : non-seulement il peut se suffire à lui-même, il a de la force au-delà de ce qu’il lui en faut ; c’est le seul tems de sa vie où il sera dans ce cas.

Je pressens l’objection. L’on ne dira pas que l’enfant a plus de besoins que je ne lui en donne, mais on niera qu’il ait la force que je lui attribue : on ne songera pas que je parle de mon Éleve, non de ces poupées ambulantes qui voyagent d’une chambre à l’autre, qui labourent dans une caisse, & portent des fardeaux de carton. L’on me dira que la force virile ne se manifeste qu’avec la virilité, que les esprits vitaux élaborés dans les vaisseaux convenables & répandus dans tout le corps, peuvent seuls donner aux muscles la consistance, l’activité, le ton, le ressort d’où résulte une véritable force. Voilà la philosophie du cabinet, mais moi j’en appelle à l’expérience. Je vois dans vos campagnes de grands garçons labourer, biner, tenir la charrue, charger