Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/340

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fleurs de papier qu’on sert au dessert sur des miroirs, parmi ces femmes en grand panier qui vous traitent en marionnette, & veulent que vous ayez dit ce que vous ne savez pas ; ou bien dans ce village à deux lieues d’ici, chez ces bonnes gens qui nous reçoivent si joyeusement & nous donnent de se bonne crème ? Le choix d’émile n’est pas douteux ; car il n’est ni babillard ni vain ; il ne peut souffrir la gêne, et tous nos ragoûts fins ne lui plaisent point : mais il est toujours prêt à courir en campagne, et il aime fort les bons fruits, les bons légumes, la bonne crème, & les bonnes gens [1]. Chemin faisant, la réflexion vient d’elle-même. Je vois que ces foules d’hommes qui travaillent à ces grands repas perdent bien leurs peines, ou qu’ils ne songent guère à nos plaisirs.

Mes exemples, bons peut-être pour un sujet, seront mauvois pour mille autres. Si l’on en prend l’esprit, on saura bien les varier au besoin ; le choix tient à l’étude du génie propre à chacun, & cette étude tient aux occasions qu’on leur offre de se montrer. On n’imaginera pas que, dans l’espace de trois

  1. Le goût que je suppose à mon Eleve pour la campagne est un fruit naturel de son éducation. D’ailleurs, n’ayant rien de cet air fat & requinqué qui plaît tant aux femmes, il en est moins fêté que d’autres enfants ; par conséquent il se plaît moins avec elles, & se gâte moins dans lent société dont il n’est pas encore en état de sentir le charme. Je me suis gardé de lui apprendre à leur baiser la main, à leur dire des fadeurs pas même à leur marquer préférablement aux hommes les égards qui leur sont dus ; je me suis fait une inviolable loi de n’exiger rien de lui dont la raison ne fût à sa portée ; & il n’y a point de bonne raison pour un enfant de traiter un sexe autrement que l’autre.