Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/359

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hommes de sens ? c’est une machine qui en mène une autre.

Tout bien considéré, le métier que j’aimerais le qui fût du goût de mon Eleve est celui de menuisier. Il est propre, il est utile, il peut s’exercer dans la maison ; il tient suffisamment le corps en haleine ; il exige dans l’ouvrier de l’adresse et l’industrie, & dans la forme des ouvrages que l’utilité détermine, l’élégance & le goût ne sont pas exclus.

Que si par hasard le génie de votre Eleve étoit décidément tourne vers les sciences spéculatives, alors je ne blâmerois pas qu’on lui donnât un métier conforme à ses inclinations qu’il apprît, par exemple, à faire des instruments de mathématiques, des lunettes, des télescopes, etc.

Quand émile apprendra son métier, je veux l’apprendre avec lui ; car je suis convaincu qu’il n’apprendra jamais bien que ce que nous apprendrons ensemble. Nous nous mettrons donc tous deux en apprentissage, & nous ne prétendrons point être traités en messieurs, mais en vrais apprentis qui ne le sont pas pour rire ; pourquoi ne le serions-nous pas tout de bon ? Le czar Pierre étoit charpentier au chantier, & tambour dans ses propres troupes pensez-vous que ce prince ne vous valût pas par la naissance ou par le mérite ? Vous comprenez que ce n’est point à émile que je dis cela ; c’est à vous, qui que vous puissiez être.

Malheureusement nous ne pouvons passer tout notre tems à l’établi. Nous ne sommes pas apprentis ouvriers, nous sommes apprentis hommes ; et l’apprentissage de ce dernier métier est plus pénible & plus long que l’autre.