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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/390

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le petit garçon n’aura pas un moment de repos qu’il n’ait appris le secret des gens mariés, & qu’il ne tardera pas de l’apprendre.

Qu’on me permette de rapporter une réponse bien différente que j’ai entendu faire à la même question, & qui me frappa d’autant plus, qu’elle partoit ne femme aussi modeste dans ses discours que dans ses manieres, mais qui savoit au besoin fouler aux pieds, pour le bien de son fils & pour la vertu, la fausse crainte du blâme et les vains propos des plaisans. Il n’y avoit pas long-tems que l’enfant avoit jetté par les urines une petite pierre qui lui avoit déchiré l’uretre ; mais le mal passé étoit oublié. Maman, dit le petit étourdi, comment se font les enfans ? Mon fils, répond la mere sans hésiter, les femmes les pissent avec des douleurs qui leur coûtent quelquefois la vie. Que les foux rient, que les sots soient scandalisés : mais que les sages cherchent si jamais ils trouveront une réponse plus judicieuse, et qui aide mieux à ses fins.

D’abord l’idée d’un besoin naturel, & connu de l’enfant, détourne celle d’une opération mystérieuse. Les idées accessoires de la douleur & de la mort couvrent celle-là d’un voile de tristesse, qui amortit l’imagination & réprime la curiosité : tout porte l’esprit sur les suites de l’accouchement, & non pas sur ses causes. Les infirmités de la nature humaine, des objets dégoûtans, des images de souffrance, voilà les éclaircissemens où mene cette réponse, si la répugnance qu’elle inspire permet à l’enfant de les demander. Par où l’inquiétude des desirs aura-t-elle occasion de naître dans des entre-