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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/40

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avant que de naître. Nous voilà dès les premiers pas hors de la nature.

On en sort encore par une route opposée, lorsqu’au lieu de négliger les soins de mere, une femme les porte à l’excès ; lorsqu’elle fait de son enfant son idole ; qu’elle augmente & nourrit sa foiblesse pour l’empêcher de la sentir, & qu’espérant le soustraire aux lois de la nature, elle écarte de lui des atteintes pénibles, sans songer combien, pour quelques incommodités dont elle le préserve un moment, elle accumule au loin d’accidens & de périls sur sa tête, & combien c’est une précaution barbare de prolonger la foiblesse de l’enfance sous les fatigues des hommes faits. Thétis, pour rendre son fils invulnérable, le plongea, dit la fable, dans l’eau du Styx. Cette allégorie est belle & claire. Les meres cruelles dont je parle font autrement : à force de plonger leurs enfans dans la mollesse, elles les préparent à la souffrance, elles ouvrent leurs pores aux maux de toute espece, dont ils ne manqueront pas d’être la proie étant grands.

Observez la nature, & suivez la route qu’elle vous trace. Elle exerce continuellement les enfans ; elle endurcit leur tempérament par des épreuves de toute espece ; elle leur apprend de bonne heure ce que c’est que peine & douleur. Les dents qui percent leur donnent la fievre ; des coliques aiguës leur donnent des convulsions ; de longues toux les suffoquent ; les vers les tourmentent ; la pléthore corrompt leur sang ; des levains divers y fermentent, & causent des éruptions périlleuses. Presque tout le premier