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Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/414

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sent pas des choses, mais d’eux ; ils passent leur vie à ne rien faire, & ne s’ennuyent jamais.

L’homme du monde est tout entier dans son masque. N’étant presque jamais en lui-même, il y est toujours étranger & mal à son aise, quand il est forcé d’y rentrer. Ce qu’il est n’est rien, ce qu’il paroit est tout pour lui.

Je ne puis m’empêcher de me représenter sur le visage du jeune homme dont j’ai parlé ci-devant, je ne sais quoi d’impertinent ; de doucereux, d’affecté, qui déplait, qui rebute les gens unis ; & sur celui-ci du mien, une physionomie intéressante & simple qui montre le contentement, la véritable sérénité de l’ame, qui inspire l’estime, la confiance, & qui semble n’attendre que l’épanchement de l’amitié, pour donner la sienne à ceux qui l’approchent. On croit que la physionomie n’est qu’un simple développement de traits déjà marqués par la Nature. Pour moi je penserois qu’outre ce développement, les traits du visage d’un homme viennent insensiblement à se former & prendre de la physionomie par l’impression fréquente & habituelle de certaines affections de l’ame. Ces affections se marquent sur le visage, rien n’est plus certain ; & quand elles tournent en habitude, elles y doivent laisser des impressions durables. Voilà comment je conçois que la physionomie annonce le caractere, & qu’on peut quelquefois juger de l’un par l’autre, sans aller chercher des explications mystérieuses, qui supposent des connoissances que nous n’avons pas.

Un enfant n’a que deux affections bien marquées, la joie & la douleur ; il rit ou il pleure, les intermédiaires ne sont