Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t4.djvu/470

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le plus riche des hommes, & à qui l’on tâchoit d’expliquer ce que c’étoit qu’un roi, demandoit d’un air fier si le roi pourrait bien avoir cent vaches à la montagne.

Je prévois combien de lecteurs seront surpris de me voir suivre tout le premier âge de mon élève sans lui parler de religion. À quinze ans il ne savoit s’il avait une âme, & peut-être à dix-huit n’est-il pas encore tems qu’il l’apprenne ; car, s’il l’apprend plus tôt qu’il ne faut, il court risque de ne le savoir jamais.

Si j’avois à peindre la stupidité fâcheuse, je peindrois un pédant enseignant le catéchisme à des enfants ; si je voulois rendre un enfant fou, je l’obligerais d’expliquer ce qu’il dit en disant son catéchisme. On m’objectera que la plupart des dogmes du Christianisme étant des mystères attendre que l’esprit humain soit capable de les concevoir ce n’est pas attendre que l’enfant soit homme, c’est attendre que l’homme ne soit plus. À cela je réponds, premièrement qu’il y a des mystères qu il est non seulement impossible a l’homme de concevoir mais de croire, & que je ne vois pas ce qu’on gagne à les enseigner aux enfants, si ce n’est de leur apprendre à mentir de bonne heure. Je dis de plus que, pour admettre les mystères, il faut comprendre au moins qu’ils sont incompréhensibles ; & les enfants ne sont pas même capables de cette conception-là. Pour l’âge où tout est mystère, il n’y a pas de mystères proprement dits.

Il faut croire en Dieu pour être sauvé.

Ce dogme mal entendu est le principe de la sanguinaire